La République Démocratique du Congo (RDC) se tient aujourd’hui à un carrefour existentiel, tiraillée entre sa souveraineté chèrement acquise et une fragmentation insidieusement programmée. La Constitution de 2006, bien qu’elle proclame un État unitaire, a introduit une décentralisation précipitée et mal encadrée, menaçant gravement l’intégrité nationale. Cette faiblesse a ouvert la voie à un séparatisme planifié, dont le terrain est méticuleusement préparé dans les provinces de l’Est, cyniquement exploitées pour leurs ressources minières. Il est impératif de rétablir sans délai la pleine souveraineté nationale.Le piège d’une constitution déroutante
L’incohérence constitutionnelle est frappante. L’article premier de notre Constitution omet de mentionner la décentralisation comme forme de l’État, une contradiction flagrante avec son article 3. Cette ambivalence sème une confusion institutionnelle alarmante: les provinces, pourtant pivots de la décentralisation, ne sont pas clairement définies comme des entités territoriales décentralisées, contrairement aux modèles constitutionnels éprouvés, comme celui de la France qui liste explicitement les régions parmi ses collectivités territoriales.
Les 26 provinces de la RDC, dépourvues de statut juridique clair, semblent être le reflet d’un séparatisme planifié inscrit dans la Constitution de 2006, promulguée par le prédécesseur de Félix Tshisekedi. Nos provinces fonctionnent souvent comme de simples revêtements administratifs, sous le couvert desquels les entités territoriales décentralisées listées à l’article 5 (villes, communes, secteurs, chefferies), dotées, elles, de la personnalité juridique, peuvent s’émanciper dangereusement du giron national.
Cette Constitution, révisée en 2011 pour réduire le scrutin présidentiel à un tour, une hérésie dans la bigarrure ethnique congolaise, et pour ainsi forcer les résultats au bénéfice de l’occupant du Palais de la Nation, représente un danger existentiel pour la pérennité de la RDC. L’absence de statut juridique et de fondement constitutionnel clair pour les provinces affaiblit la cohérence étatique, ouvrant la porte à des interprétations divergentes et à une instrumentalisation politique. Ces provinces, cibles du séparatisme planifié précédent la présidence Tshisekedi, peuvent ainsi revendiquer un statut sui generis, en s’appuyant sur des pratiques de gestion autonome sans véritable encadrement national. C’est la réalité à laquelle nous assistons dans les Kivu, où l’agression et l’occupation rwandaise effective se dissimulent derrière des façades politiques telles que l’AFC/M23, qui établissent des administrations parallèles.
Ce floutage juridique délibéré permet un séparatisme planifié, car seules les subdivisions provinciales ont un statut juridique et peuvent donc être érigées en baronnies indépendantes. Aujourd’hui, la milice AFC/M-23 cherche, sous la médiation du Qatar à Doha, à obtenir une confirmation de son occupation territoriale et la légitimation de ses structures parallèles de gouvernance, pour une durée de 8 ans, au mépris flagrant de la centralité républicaine. Accepter de telles revendications serait ouvrir grand la voie à la fragmentation politique du pays, alimentée par les tensions géopolitiques orchestrées par les réseaux séparatistes contrôlés par Kigali.
La décentralisation incohérente de la Constitution de 2006, ne reconnaissant que les entités sub-provinciales afin d’en faciliter la fragmentation, a sapé la légitimité institutionnelle de l’échelon provincial. Cela a directement compromis la péréquation nationale, bloqué les transferts de compétences, et entravé les mécanismes de reddition de comptes et de contrôle démocratique. Le nouveau cadre constitutionnel devra impérativement, parmi d’autres révisions radicales, inclure les provinces dans l’article 195, resserrer les conditions de création des entités territoriales décentralisées, et protéger juridiquement l’unité territoriale face aux entreprises du séparatisme déguisé.
Une déconcentration administrative maîtrisée.
Compte tenu de la faible productivité économique des provinces et de leur dépendance financière chronique vis-à-vis du gouvernement central, la décentralisation doit aujourd’hui se muer en une déconcentration administrative maîtrisée. Cette approche pragmatique permettra de préserver l’unité nationale tout en préparant, dans un cadre assaini, l’organisation d’élections locales légitimes et sécurisées en 2028.
Une révision constitutionnelle est plus que jamais impérative. Elle doit clarifier la forme de l’État, définir avec précision les entités territoriales, et instaurer des garde-fous dissuasifs contre toute fragmentation institutionnelle. Cette réforme doit s’accompagner d’un renforcement significatif des capacités financières et administratives des provinces, leur permettant d’assumer une autonomie réelle sans jamais compromettre la cohésion nationale, mise à mal par les agressions étrangères.
Minembwe : le cheval de troie de Kigali
La création controversée de la commune de Minembwe, le 28 septembre 2020, par un simple arrêté ministériel d’Azarias Ruberwa (éternel ministre de la décentralisation séparatiste, dont la nationalité rwandaise serait attestée par des sources fiables, ex-RCD pro-Rwanda), s’inscrivait clairement dans une tentative cynique d’exploitation du vide institutionnel et juridique. L’objectif : implanter des populations rwandaises en lieu et place des déplacés congolais, profitant de l’incohérence du cadre de décentralisation. En lui conférant le statut d’entité territoriale décentralisée (article 195), avec personnalité juridique propre, autonomie administrative et conseil local élu, la commune de Minembwe, face à l’absence de statut juridique des provinces, s’inscrit dans un projet fragmentaire et centrifuge de séparatisme planifié. C’est une parfaite illustration de la déconstruction de l’unité nationale par la base, faute de protection juridique adéquate des provinces.
Minembwe est bien le cheval de Troie du Rwanda : un réceptacle démographique pour l’implantation de populations rwandaises (prétendument « Banyamulenge », une ethnie pourtant inconnue durant la période coloniale), permettant une restructuration démographique sur fond d’occupation foncière, et un ancrage administratif niant l’historicité des structures coutumières locales. Minembwe est l’entité matricielle d’un vaste plan de substitution territoriale, la première brique d’un projet planifié d’autonomisation. Azarias Ruberwa a ouvert la voie à la création d’entités territoriales sous contrôle extérieur en exploitant les failles juridiques de notre Constitution. L’arrêté créant Minembwe doit être rapporté sans délais. Sans une maîtrise étatique de la cartographie institutionnelle de son territoire par l’État central et la non-reconnaissance des provinces comme entités décentralisées, le niveau communal restera le cheval de Troie de l’infiltration étrangère.
Surseoir aux élections locales
Dans la situation géopolitique actuelle, organiser des élections locales dans des zones sous influence étrangère ou sous le contrôle de groupes armés risquerait de délégitimer davantage l’autorité de l’État central, renforçant les relais des ennemis de la République. Ces ennemis, dirigés par d’anciens responsables politiques de haut niveau corrompus par le Rwanda et d’autres pays voisins, exploitent la faille constitutionnelle planifiée de 2006, pour faire avancer leur agenda de morcellement. On les voit rencontrer des responsables locaux pour accélérer leur projet de sécession.
La présence de forces étrangères RDF-(AFC/M23) contrôlant de vastes zones du Nord-Kivu (Rutshuru, Masisi, Nyiragongo), de facto occupées par le Rwanda, entrave le retour des populations déplacées, la liberté de mouvement des candidats potentiels et la sécurité des scrutins. En Ituri et au Sud-Kivu, la logique de nettoyage ethnique qui dévaste ces régions rend impossible la tenue de scrutins crédibles. Dans ces conditions, organiser des élections locales à l’échelon national reviendrait à légitimer les reconfigurations démographiques régionales et locales planifiées par l’occupation rwandaise et ses fantoches congolais dans les failles de fragmentation. Le cas de la commune de Minembwe, où l’implantation de Rwandais sur des terres historiquement occupées par des communautés congolaises a été facilitée, en est la preuve éloquente.
J’exhorte le Gouvernement de la RDC à ne pas consolider par le droit électoral des stratégies étrangères de substitution ethno-politique. L’absence de reconnaissance des provinces comme entités territoriales décentralisées dans l’article 195 de la Constitution permet de les contourner et de jeter les bases de souverainetés locales, dans un schéma de séparatisme progressif et planifié, encadré par l’occupation militaire.
Diplomatie et révision constitutionnelle
Le renouvellement du cadre constitutionnel de la RDC sera indubitablement favorisé par la diplomatie équilibrée du Président Félix Tshisekedi. Cette stratégie conjugue un bilatéralisme pragmatique – illustré par l’accord de Washington du 27 juin 2025 – et une approche institutionnelle des relations internationales fondée sur une participation active aux cadres régionaux et internationaux sous sa présidence. Elle incarne une démarche bilatérale, mais nécessairement légitimée et coordonnée par les institutions multilatérales.
Dans ce contexte, l’organisation d’une conférence internationale de consolidation de l’accord de Washington est attendue par les observateurs, afin d’en assurer la cohérence avec les cadres multilatéraux existants et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette perspective, une fois l’accord de Washington endossé par les partenaires internationaux et régionaux de la RDC pour garantir la maîtrise effective de l’ensemble du territoire national, loin de toute velléité de balkanisation et de fragmentation centrifuge, permettra d’engager la révision constitutionnelle attendue par tous les Congolais.
Le Président Félix Tshisekedi mène une diplomatie courageuse pour rétablir la pleine intégrité territoriale de la RDC. Sous sa présidence, les Congolais attendent un renouvellement du cadre constitutionnel capable de maîtriser les défis du développement et de préserver notre unité nationale. Il est temps d’agir pour que la décentralisation devienne un levier de paix et de développement, et non un instrument de fragmentation et de division. La souveraineté de la RDC et l’avenir de ses citoyens en dépendent.
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Léon ENGULU III
Philosophe et ingénieur,
Ancien Coordonnateur a.i du
Mécanisme National de Suivi,
Spécialiste des réformes insitutionnelles
et des relations internationales
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